Analyse thermique d’un four de croissance cristalline de Czochralski

12 mars 2025

Jan Czochralski étudiait la vitesse de cristallisation des métaux lorsqu’il a posé sur son bureau un creuset chaud et rempli d’étain en fusion pour qu’il refroidisse. Concentré sur son travail, il a accidentellement plongé son stylo dans l’étain en fusion au lieu de l’encrier. S’apercevant de son erreur, Czochralski retira le stylo — il découvrit alors un mince fil de métal solidifié accroché à sa pointe…

L’histoire de la méthode Czochralski

Plus tard, Czochralski prouva que ce métal solidifié était un cristal unique. Près de 110 ans plus tard, nous pouvons dire que cette simple erreur a jeté les bases de l’étude de la méthode Czochralski, l’une des méthodes les plus importantes pour la préparation du silicium monocristallin, un matériau largement utilisé dans la création d’appareils électroniques.

De nos jours, la méthode Czochralski suit un processus similaire à celui du trempage accidentel du stylo. Tout d’abord, du silicium de qualité semi-conducteur (très haute pureté) est fondu dans un creuset. Ensuite, des atomes d’impureté dopants peuvent être ajoutés pour doper le silicium et le transformer en silicium de type positif ou négatif. Un cristal de semence monté sur une tige est ensuite plongé dans le mélange fondu, puis soigneusement tiré vers le haut tout en étant tourné simultanément dans une atmosphère inerte d’argon. Enfin, un grand lingot cylindrique monocristallin est formé à partir de la masse fondue.

Schéma de la méthode Czochralski décomposée en étapes: fusion du polysilicium, introduction du cristal de semence, début de la croissance du cristal, arrachage du cristal et formation du cristal avec un résidu de silicium fondu. La méthode Czochralski en plusieurs étapes. Cette photographie est dans le domaine public, via Wikimedia Commons.

Czochralski a exploré cette approche de la création de cristaux avec des métaux tels que l’étain, le plomb et le zinc et a publié son article sur la méthode en 1917. L’article et la méthode ont suscité un vif intérêt dès leur publication, mais ce n’est qu’à la fin des années 1940 qu’ils sont devenus le phénomène que l’on connaît aujourd’hui. C’est en grande partie grâce aux chercheurs des laboratoires Bell, qui ont redécouvert cette méthode et l’ont utilisée pour produire des cristaux de silicium et de germanium afin de développer des semi-conducteurs. Depuis, la méthode Czochralski est devenu une pierre angulaire de l’industrie des semi-conducteurs.

Un cliché de Jan Czochralski.
Le chimiste polonais Jan Czochralski, tel qu’il apparaissait en 1929 en tant que professeur à l’École Polytechnique de Varsovie. Cette photographie est dans le domaine public, via Wikimedia Commons.

La méthode Czochralski est l’approche la plus courante pour la préparation de lingots de cristaux de silicium monocristallin (mono-Si). Cette méthode a permis de produire des lingots de cristal d’une longueur pouvant atteindre 2 mètres, qui peuvent ensuite être découpés en wafers de dimensions normalisées. Celles-ci sont utilisées pour la fabrication de circuits intégrés et, dans le domaine photovoltaïque, pour la fabrication de cellules solaires. Dans ce billet de blog, nous verrons comment le logiciel COMSOL Multiphysics® peut être utilisé pour modéliser le flux de gaz protecteur et les transferts de chaleur par convection nécessaires pour maintenir le gradient de température requis à l’interface de croissance des cristaux.

Définition du modèle d’un four de croissance cristalline typique

La forme du lingot de cristal, en particulier son diamètre, est contrôlée en ajustant soigneusement la puissance de chauffage, la vitesse de traction et la vitesse de rotation du cristal. Ces trois facteurs peuvent être ajustés pendant la phase de prototypage, mais cela nécessiterait l’utilisation de matériaux physiques coûteux. Pour compléter ces expériences, la modélisation et la simulation peuvent être utilisées pour reproduire, contrôler et modifier virtuellement les conceptions, réduisant ainsi le nombre d’expériences physiques nécessaires.

Aperçu du modèle mis en place dans le logiciel avec transferts de chaleur (à gauche) et rayonnement thermique (à droite).

Le tutoriel Thermal Analysis of a Czochralski Crystal Growth Furnace modélise le procédé tel qu’il est décrit. La géométrie du modèle consiste en un creuset en quartz contenant la matière fondue, avec la tige de cristal au milieu de la surface de la matière fondue, tous deux positionnés à l’intérieur d’un four. Dans ce four, un flux d’argon refroidit la tige de cristal afin de maintenir le gradient de température souhaité et d’expulser les espèces volatiles du four. Un élément chauffant en graphite est placé à l’intérieur du four pour maintenir une température stable. Le creuset et la tige tournent à une vitesse de 5 tours par minute, mais dans des directions opposées. L’ensemble de la géométrie du procédé décrit présente une symétrie de révolution autour d’un axe, ce qui permet d’utiliser un modèle 2D axisymétrique dans COMSOL Multiphysics®.

Le transfert de chaleur au sein de la masse fondue, des tiges de cristal, du réchauffeur en graphite et des parois du four est modélisé, en supposant que la conduction de la chaleur est le mécanisme dominant. Un modèle de rayonnement de surface à surface prend en compte le transfert de chaleur par rayonnement thermique entre les surfaces à l’intérieur du four. L’écoulement non-isotherme de l’argon à l’intérieur du four est modélisé en supposant l’écoulement faiblement compressible et en utilisant le modèle de turbulence k-ε couplé aux transferts de chaleur dans l’écoulement turbulent. Les conditions de paroi glissante décrivent la rotation de la tige de cristal et du creuset.

Notre objectif est d’étudier le flux de gaz protecteur et les transferts de chaleur par convection afin de trouver les bons paramètres permettant de maintenir le gradient de température requis à l’interface de croissance des cristaux.

Modèle d'un four de croissance cristalline en 3D. Le modèle de four de croissance cristalline.

Dans la géométrie du modèle, le système de chauffage en graphite fonctionne à 310 kW et le gaz protecteur d’argon est introduit à un taux de 100 litres par minute. La pression du four est maintenue à 2500 Pa. Le creuset tourne à 5 tours par minute et la tige de cristal à -5 tours par minute, créant ainsi le mouvement de torsion nécessaire à une croissance efficace des cristaux. La vitesse de rotation de ce type de four est beaucoup plus élevée que la vitesse de traction, c’est pourquoi la vitesse de traction a été ignorée dans cette simulation.

Schéma d'un four de croissance cristalline avec son entrée d'argon, son feutre de graphite, sa paroi extérieure, son réchauffeur, sa sortie d'argon, sa tige de support, son creuset de graphite, son creuset de quartz, sa masse fondue, son interface de matière fondue-solide, sa tige de cristal et son écran chaud indiqués. Géométrie du four de croissance cristalline avec chaque partie indiquée.

Analyse des résultats

Dans le cadre de notre modèle, nous avons mené une étude en deux étapes. La première étape consiste à résoudre les équations de l’écoulement en régime permanent afin d’établir de bonnes conditions initiales pour l’étape temporelle suivante de l’étude. Dans l’étape temporelle, les équations d’écoulement et de transfert de chaleur sont résolues de manière totalement couplées.

Ecoulement

Le champ d’écoulement calculé révèle une vitesse maximale près de la surface de la tige de cristal. Une zone de recirculation existe entre l’écran chaud et la tige de cristal, principalement alimentée par la flottabilité due à la température élevée de l’écran chaud et, dans une moindre mesure, par un léger flux descendant provenant de l’entrée. Cette vitesse élevée favorise une évacuation efficace de la chaleur, ce qui se traduit par un gradient de température important à l’intérieur de la tige de cristal.

Le flux entre le creuset et le dispositif de chauffage se déplace vers le bas, ce qui est contre-intuitif car on pourrait s’attendre à un effet de cheminée dans cette zone. Cependant, cet effet se produit en fait à l’extérieur du foyer, entre le foyer et la paroi du four, où le flux se déplace principalement vers le haut.

Il est à noter que l’impact de la convection libre dans le four est plus important que celui des flux d’entrée et de sortie de l’argon, qui sont à peine discernables sur le graphique. Sans modèle, il aurait été difficile de prédire l’ensemble du champ d’écoulement.

Graphique montrant le champ d'écoulement à l'intérieur d'un four de croissance cristalline. Aperçu du champ d’écoulement à l’intérieur du four.

Température

Notre étude montre que la température moyenne à la surface de contact entre la matière fondue et la tige atteint un état stable après environ 400 minutes. L’isovaleur de la température de fusion (Tm = 1414°C) est proche de cette surface de contact, voir la courbe d’isovaleur à 1415°C dans le graphique ci-dessous. La température à l’endroit où la tige entre en contact avec la matière fondue varie entre 1403°C et 1407.5°C, la température la plus élevée se situant au milieu de la tige. Cette température est proche de la température de fusion réelle de 1414°C. La température le long de la hauteur de la tige diminue, présentant un gradient dans la direction z allant de 500 à 100°C/m. Cela indique que la tige monocristalline est efficacement refroidie par le flux d’argon.

A gauche: Visualisation du modèle en mettant l’accent sur la température moyenne à 600 minutes. À droite: Distribution de la température à la surface où la tige entre en contact avec la matière fondue.

Futures extensions du four

Avec ce modèle, nous traitons les cristaux et les matières fondues comme des solides et nous nous intéressons à la réalisation d’une analyse thermique de la conception. Bien que ce modèle permette d’atteindre cet objectif, il peut être étendu. Par exemple, les utilisateurs pourraient modéliser d’autres méthodes de chauffage telles que l’induction. Une extension plus importante pourrait inclure la modélisation de l’écoulement dans la matière fondue et la convection naturelle, la convection de surface (effet Marangoni), et la convection forcée (fluide magnétique) à l’intérieur de la matière fondue. Les utilisateurs peuvent également utiliser la fonctionnalité Changement de phase pour voir le changement de phase de la matière fondue vers le cristal ainsi que la solidification avec la chaleur latente et la traction du cristal. Bien que la vitesse de traction soit négligée dans cette démonstration, elle pourrait être définie dans les conditions aux limites de la paroi, c’est-à-dire la vitesse de la paroi se déplaçant de façon tangentielle.

Lancez-vous

Vous souhaitez modéliser vous-même ce four de croissance cristalline de Czochralski ? Le fichier MPH et les instructions étape par étape sont disponibles dans la Bibliothèque d’applications.


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