Améliorer les perspectives de la géothermie avec les forages inclinés

13 novembre 2025

Les systèmes géothermiques en boucle fermée s’appuient sur l’électricité et des sondes géothermiques verticales pour extraire et évacuer l’énergie du sous-sol afin de chauffer et refroidir les bâtiments. L’utilisation du chauffage géothermique participe à la réduction des émissions de carbone, tout particulièrement lorsque l’électricité provient d’une source renouvelable. Les bénéfices des sondes géothermiques inclinées dans des systèmes de pompes à chaleur géothermiques ont été étudiés dans un article de recherche publié dans Renewable Energy (Ref. 1). L’auteur principal, Daniel Deacon, un spécialiste du transfert de chaleur souterrain et ingénieur géothermicien, nous a parlé de son utilisation de la simulation multiphysique dans ces travaux.

S’éloigner du gaz naturel

L’attention mondiale sur la crise climatique et la réduction des combustibles fossiles a amené l’industrie énergétique à étudier des alternatives pour chauffer et refroidir les bâtiments, en s’attachant particulièrement à réduire l’utilisation du gaz naturel et les émissions de carbone. Le chauffage s’appuyant sur des sources non carbonées, telles que les pompes à chaleur géothermiques, est une alternative viable étant donné que ces sources utilisent la combinaison d’électricité et d’énergie thermique, par opposition à une source purement électrique. Les pompes à chaleur géothermiques, ou sondes géothermiques verticales (SGV), tirent parti de la température relativement stable qui règne à plusieurs centaines de mètres sous terre. L’énergie du sous-sol est une ressource bien moins limitée que celle en gaz naturel.

Les SGV peuvent être mises en oeuvre comme composants clés d’actionnement d’un système géothermique plus vaste. Ce sont de grandes conduites en polyéthylène haute densité (PEHD), scellés dans une colonne de mortier. Elles utilisent un système de boucle fermée dans laquelle le fluide circule dans les conduites au sein du forage, afin de transférer la chaleur entre le sol et le bâtiment (Figure 1). Le fluide extrait la chaleur du sol et des roches à une centaine de mètres sous terre. Cette énergie est ensuite transférée jusqu’à une unité de pompe à chaleur qui exploite l’énergie et répartit le fluide dans les systèmes mécaniques d’un bâtiment. Lorsque le bâtiment est refroidi, l’énergie est renvoyée vers le sous-sol. Deacon fait référence à ce procédé comme un “équilibre énergétique”. Combiner plusieurs SGV crée un champ de SGV, souvent nécessaire à la production de l’énergie suffisante pour chauffer ou refroidir un grand bâtiment.

Un graphique d'une conduite fine en forme de U entourée de sol brun, dans laquelle la moitié est en rouge pour représenter le fluide chaud et l'autre moitié en bleu pour représenter le fluide froid.
Figure 1. Une sonde géothermique verticale extrayant la chaleur et renvoyant le fluide froid vers le sol.

A Toronto, où travaille Deacon, tous les nouveaux bâtiments doivent être construits en respectant la Norme verte de Toronto (Ref. 2), une initiative visant à réduire les émissions de carbone. La norme prévoit également des exigences en matière de rénovation. Ces exigences posent des défis aux équipes d’ingénierie qui doivent trouver un moyen de répondre aux besoins en chauffage et refroidissement des bâtiments existants avec une surface au sol très limitée. “En inclinant les forages, l’espacement entre les sondes adjacentes au niveau de la surface peut être réduit jusqu’à 90%”, explique Deacon dans son article. Une illustration de l’espacement de ce type de forages est disponible dans la Figure 2.

Un schéma de deux bâtiments où celui de gauche présente cinq lignes verticales régulièrement espacées en dessous de lui et celui de droite a six lignes inclinées venant de points plus rapprochés.
Figure 2. Les sondes inclinées réduisent significativement la surface au sol nécessaire.

Il y a un manque de modélisation de sondes géothermiques inclinées dans l’industrie puisque la majeure partie de la littérature s’appuie sur des sondes géothermiques verticales, ce qui a mené à la formulation d’hypothèses sur les transferts thermiques de sondes géothermiques inclinées. Deacon a utilisé le logiciel COMSOL Multiphysics® pour construire des modèles 3D de sondes géothermiques inclinées et comparer leurs performances au cours du temps à des modèles de sondes géothermiques verticales.

Collaboration et essais

Deacon s’est appuyé sur un modèle de SGV développé par Tolga Ozudogru (Ref. 3) dans COMSOL Multiphysics®. Le modèle représente un écoulement au sein de la SGV sous forme d’écoulement en conduite 1D couplé à la conduction thermique 3D dans les matériaux solides de roche et sol environnants. Cette méthode de pseudo-conduite, comme Ozudogru l’a appelée, réduit considérablement les ressources de calcul nécessaires comparée à un modèle 3D complet d’écoulement dans la conduite. La méthode de pseudo-conduite couple l’interface Transfert de chaleur en conduites et l’interface Transfert de chaleur en milieu solide dans COMSOL Multiphysics®. Elle considère l’écoulement et le transfert de chaleur dans les conduites comme étant transitoires et 1D, avec un couplage à la frontière du domaine solide 3D, volume dans lequel l’équation de la chaleur transitoire est résolue. Le modèle numérique 3D de la conduction thermique dans le matériau solide environnant s’appuie sur la méthode des éléments finis (FEM). Deacon a utilisé le module Heat Transfer, un produit complémentaire de la suite logicielle, pour développer un modèle mixte fonctionnel couplant le calcul CFD et la conduction thermique 3D transitoire. Ce modèle mixte capture les effets multiphysiques présents dans les sondes géothermiques inclinées.

Ces simulations ont été validées avec des données expérimentales collectées par Richard Beier (Ref. 4) dans une expérience composée d’un bac à sable rectangulaire avec un échangeur thermique tubulaire en U au centre. Le fluide circule à travers la conduite et est chauffé entre les circuits. Des thermistances ont été placées dans le sable environnant et mesurent les températures transitoires en différents points radiaux. Le débit massique et la température d’entrée (alimentation) ont ainsi été utilisées comme conditions pour le modèle numérique. Les résultats montrent que les prédictions de COMSOL Multiphysics® en termes de température du fluide en sortie (retour) et de température du sable aux différentes positions radiales sont en adéquation avec les résultats expérimentaux.

Un test d’interruption de courant a été effectué pour simuler une coupure de courant de 2 heures. Un flux de chaleur a été appliqué au fluide pour simuler ce qu’il se produirait lors d’une coupure de courant, tandis que les conditions initiales et aux limites pour le domaine de sol restent les mêmes que lors d’un test classique mené par l’équipe, à l’exception de la température et du débit du fluide en entrée. COMSOL Multiphysics® prédit précisément la montée en température après le redémarrage des pompes de circulation et des chauffages après deux heures sans courant, validant la solution de l’équation de la chaleur transitoire utilisée dans les données expérimentales (Figure 3). Ces études ont conforté Deacon dans la capacité de COMSOL Multiphysics® à modéliser précisément la physique du transfert de chaleur d’une sonde géothermique verticale.

Figure 3. À gauche: La température du fluide à l’entrée (alimentation) et à la sortie (retour) sont très proches entre les données expérimentales et la simulation dans COMSOL Multiphysics. À droite: Les mesures de température en cinq positions radiales issues des données expérimentales sont comparées aux prédictions de COMSOL Multiphysics.

Performances des sondes géothermiques inclinées et verticales

L’étude analyse ensuite la réponse thermique de trois configurations de sondes géothermiques (Figure 4) soumises à une injection constante de chaleur. Cette étude compare les performances thermiques de:

  1. Une unique sonde géothermique verticale (1V)
  2. Deux sondes géothermiques verticales parallèles positionnées à 5 mètres d’écart (2V)
  3. Une configuration constituée d’une sonde géothermique verticale et d’une sonde géothermique inclinée espacées de 2.75 mètres au niveau de la surface, la sonde inclinée formant un angle de 3 degrés par rapport à l’axe vertical (1A1V)

La puissance thermique appliquée à l’entrée est de 20 kW, basée sur une puissance couramment utilisée dans les tests de réponse thermique industriels. La durée totale de fonctionnement simulée dans l’étude est de 8760 heures, soit 1 année. Les propriétés du sol sont représentatives des mesures effectuées au sud de l’Ontario. Les conditions opératoires de débit massique et de puissance thermique en entrée, la capacité thermique massique spécifique du fluide, et les temps de fonctionnement sont constants au cours de l’étude, isolant la conductivité thermique pour l’analyse.

Diagramme de trois cylindres, celui sur la gauche contenant une ligne verticale, celui du milieu contenant deux lignes verticales parallèles, et celui sur la droite contenant une ligne verticale et une ligne inclinée.
Figure 4. Illustration de trois configurations de sondes géothermiques pour analyser la réponse thermique.

Le transfert de chaleur dans la configuration 1V est considéré comme étant optimal. Par conséquent, les performances des deux autres configurations sont évaluées en comparant la température de leur fluide avec la configuration 1V. Un écart de température de 0 K représente la performance optimale. L’interaction thermique est supposée commencer plus tôt dans la configuration 1A1V que dans la configuration 2V du fait de la surface au sol limitée. L’interaction thermique se manifeste par une augmentation de la différence de température du fluide (en comparaison à la configuration 1V). Cependant, une fois que l’interaction thermique démarre dans la configuration 2V, il est attendu que le 1A1V devienne plus efficace dans la durée.

Sur la plage 0-100 heures de fonctionnement, les deux configurations montrent une performance thermique similaire au 1V, soit la norme optimale (transfert de chaleur maximal). Après la période initiale de 100 heures, la température du fluide de la configuration 1A1V augmente jusqu’à 0.02°C de plus que la configuration 1V. Le plus grand écart de température est obtenu à environ 690 heures puis il décroît jusqu’à 1053 heures, où les profils de température s’intersectent (Figure 5).

Lorsque les deux courbes s’intersectent, le profil de température du 2V s’écarte rapidement du 1A1V en raison de l’interaction thermique sur l’ensemble de la profondeur de forage des sondes géothermiques verticales de la configuration 2V. La configuration 1A1V a une interaction thermique réduite sur la profondeur, ce qui résulte en une différence de température de fluide d’environ 1.4°C de moins que la configuration 2V à la fin. Le point de convergence représente la transition entre un effet indésirable mineur et un avantage mineur dans les performances de la configuration 1A1V. Le graphique montre que sur de plus longues durées de fonctionnement, la configuration 1A1V montre un meilleur échange thermique que la configuration 2V.

Un graphique avec le temps en abscisse et la différence de température du fluide en ordonnée. Une ligne noire et une ligne rouge augmentent progressivement sur le graphique avec des angles similaires.
Figure 5. Les écarts de température du fluide entre les trois configurations lorsque la puissance thermique injectée est constante.

Mesurer les performances de systèmes plus grands

La plupart des bâtiments plus grands qu’une maison individuelle nécessitent plusieurs sondes géothermiques. Le nombre de sondes géothermiques nécessaires est calculée en prenant en compte plusieurs facteurs, l’un d’entre eux étant l’énergie requise pour chauffer ou refroidir le bâtiment lors de la journée la plus froide ou la plus chaude de l’année. Deacon a utilisé 4 sondes géothermiques pour modéliser l’influence de différents nombres de sondes géothermiques, avec des conditions de fonctionnement identiques (chaque sonde recevant le même débit à la même température d’entrée, pour, ainsi, simuler les performances de transfert de chaleur pour différentes configurations).

Le risque émanant de l’ajout de sondes géothermiques supplémentaires est une augmentation de l’interaction thermique lorsque les sources de chaleur sont rapprochées. Son étude porte sur trois configurations (Figure 6):

  • 4V = configuration avec 4 sondes géothermiques verticales
  • 3A1V-1 = 3 sondes géothermiques inclinées et une sonde géothermique verticale avec un espacement conséquent des forages
  • 3A1V-2 = 3 sondes géothermiques inclinées et une sonde géothermique verticale avec un espacement minimal des forages

Les deux configurations inclinées nécessitent moins d’un demi mètre carré de surface au sol, tandis que la configuration 4V nécessite 25 mètres carrés. La configuration 3A1V-2 serait mieux adaptée à la rénovation d’un bâtiment avec une plus petite surface au sol disponible, tandis que la configuration 3A1V-1 serait probablement mieux adaptée à un nouveau bâtiment dans une zone avec plus de surface au sol.

Un diagramme de trois cylindres, celui de gauche comportant quatre lignes verticales, celui du milieu comportant trois lignes inclinées et une ligne verticale espacées, et celui de droite comportant trois lignes inclinées et une ligne verticale rapprochées. Sous chaque cylindre se trouve un cercle illustrant une vue de dessus de la configuration.
Figure 6. Les géométries des trois configuration de l’exemple à 4 sondes géothermiques.

Tout d’abord, les résultats de la simulation montrent que la performance par sonde décroît lorsqu’il y a plus de deux sondes géothermiques. Un faible écart de température indique une performance optimale, or la différence de température du fluide après 10 ans est supérieure à 1 K pour les configurations à quatre sondes, alors qu’elle était inférieure à 1 K dans les configurations à deux sondes. Le déclin des performances est attribué à l’interaction thermique accrue et au fait que chaque sonde géothermique accède à un moins grand volume de sol du fait de la densité plus importante de sondes.

Concernant la configuration à 4 sondes géothermiques, les résultats de simulation montrent que, sur une période de 1 an, les écarts de température du fluide pour les configurations à deux sondes inclinées (3A1V-1 et 3A1V-2) sont plus petits que ceux pour la configuration verticale (4V), ce qui prouve que les configurations inclinées offrent toujours de meilleures performances en matière de transfert thermique. Parmi les deux configurations à deux sondes géothermiques inclinées, la configuration 1 produit des écarts de température considérablement plus petits au cours de l’année, démontrant une meilleure performance du fait de la plus grande séparation entre les sondes géothermiques. Dans la configuration 1, la différence de température du fluide après 10 ans est d’environ 1 K, alors qu’elle est de 2 K dans la configuration 2. Deacon en déduit que l’optimisation de la disposition des configurations inclinées permettra d’atteindre une meilleure performance globale du système. Ces résultats renforcent les conclusions qui ont été tirées tout au long des simulations et des études.

La simulation a mené Deacon à conclure que les sondes géothermiques inclinées sont mieux adaptées pour les projets de rénovation, tandis que les systèmes de sondes géothermiques verticales sont généralement privilégiées pour de nouvelles constructions. Lorsque la puissance thermique est injectée de façon constante, les champs de sondes géothermiques inclinées et les champs de sondes géothermiques verticales ont des performances initiales similaires mais, au cours du temps, les champs de sondes inclinées montrent une meilleure performance en raison de l’augmentation du volume de sol dans la partie la plus profonde du champ. Les champs de sondes inclinées ont également de meilleures performances que les champs de sondes verticales pour le refroidissement sur une période simulée de 10 ans. À partir de ces résultats, il a été déterminé que les champs de sondes inclinées sont mieux adaptés pour gérer les charges énergétiques non équilibrées et pour exploiter le volume du sol.

“Si vous respectez quelques règles de base pour le positionnement des forages et des angles à utiliser, ils ont en fait des performances très similaires à celles des systèmes traditionnels”, explique Deacon.

Electrifier le chauffage et convertir des systèmes conventionnels à l’énergie géothermique est historiquement considéré comme coûteux et inaccessible, mais la modélisation et la simulation ont permis de changer cette vision. L’utilisation de COMSOL Multiphysics® permet aux ingénieurs d’estimer la performance des sondes géothermiques sur plusieurs dizaines d’années, heure par heure. En outre, la modélisation peut garantir la fiabilité des designs et réduire le risque d’erreurs.

“Maintenant que nous avons cette capacité de modélisation, nous pouvons correctement évaluer un champ de sondes géothermiques, réduire les coûts et concevoir des [designs] plus réalisables”, explique Deacon.

Références

  1. D.L. Deacon and M.F. Lightstone, “Three-dimensional analysis of multiple inclined borehole heat exchangers,” Renewable Energy, vol. 237, part B, 2024.
  2. Toronto Green Standard for New Low-Rise Residential Development, City of Toronto, Canada, Jan. 2017; https://www.toronto.ca/wp-content/uploads/2017/11/91f2-City-Planning-Toronto-Green-Standard-2017_LowRise_Standard.pdf
  3. T. Y. Ozudogru et al., “3D numerical modeling of vertical geothermal heat exchangers,” Geothermics, vol. 51, 2014.
  4. R. Beier et al., “Reference data sets for vertical borehole ground heat exchanger models and thermal response test analysis,” Geothermics, vol. 40, issue 1, 2011.

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