La fusion suscite depuis longtemps l’intérêt en raison de son potentiel à offrir une source d’énergie commerciale flexible et zéro carbone. Commonwealth Fusion Systems (CFS), une startup dans la fusion et spin-off du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a démontré le potentiel d’aimants supraconducteurs haute température (HTS) et de tokamaks à champ intense pour les machines de fusion. Cependant, malgré ces avancées, la création d’un tokamak capable de générer de l’énergie par fusion pour une utilisation à grande échelle pose toujours de nombreux défis. Pour les relever, CFS s’est tourné vers la modélisation multiphysique pour mieux comprendre les limitations liées aux matériaux et orienter la conception de leurs tokamaks à champ intense.
Libérer la puissance des tokamaks: la fusion à une plus petite échelle
Un tokamak atteint son plus haut facteur de gain d’énergie de fusion — le rapport entre la puissance de la fusion qu’il produit et la puissance nécessaire pour le faire fonctionner — en devenant plus grand et/ou en utilisant des champs magnétiques plus élevés. Jusqu’à récemment, la technologie des aimants supraconducteurs limitait la possibilité pour les tokamaks de tirer parti de cette dernière option, forçant les développeurs à créer des réacteurs massifs, comme l’International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER), pour atteindre un facteur de gain d’énergie plus haut. CFS et le MIT ont, à la place, exploré les tokamaks Alcator, qui sont constitués d’aimants en cuivre et de champs magnétiques plus puissants. Cependant, ces tokamaks ne font que remplacer la problématique de la taille par la problématique liée aux limitations du cuivre, un matériau résistif qui consomme une quantité significativement plus élevée d’énergie pour fonctionner que les conceptions précédentes. Par conséquent, cette alternative n’était pas une option viable pour l’énergie de fusion commerciale, comme l’expliquait Dan Brunner, co-fondateur et ingénieur technique en fusion de CFS, lors d’une keynote durant le COMSOL Day: Nuclear Fusion.
CFS et le MIT ont par la suite collaboré afin de créer un tokamak à champ intense, qui pourrait tirer parti de champs magnétiques plus élevés, sans les problématiques liées à sa taille ou limitations des conceptions précédentes, en utilisant des matériaux HTS. Pour cela, ils ont construit et utilisé un aimant HTS pleinement performant, presque à l’échelle réelle. CFS travaille désormais avec SPARC, un démonstrateur de principe de tokamak dont l’objectif est un facteur de gain de fusion net. Au delà de cet objectif, CFS cible le début des années 2030 pour la création d’ARC, une usine conçue pour alimenter le réseau électrique en énergie de fusion. Avant de pouvoir franchir cette étape, CFS continue de développer sa compréhension de SPARC avec la simulation.
“Nous pouvons désormais envisager une autre voie : au lieu de passer de grand à toujours plus grand, on se contente d’être légérement plus grand et on utilise des champs magnétiques plus élevés pour créer un réacteur à fusion viable.”, a expliqué Brunner.
     
  
  
Figure 1. Le calendrier prévisionnel de CFS pour leur système de fusion ARC. Image reproduite avec l’aimable autorisation de CFS.
Surmonter les obstacles à la fusion avec la simulation
Modéliser des tokamaks est un projet particulièrement difficile mais, malgré tout, CFS est parvenu à décomposer leurs conceptions système par système, à simuler les forces à l’intérieur, et à observer des phénomènes complexes avec le logiciel COMSOL Multiphysics®.
Calcul des systèmes et des liquides de refroidissement
Les supraconducteurs doivent être maintenus à des températures cryogéniques pour fonctionner et éviter des phénomènes d’emballement thermiques comme le quench. Par nécessité, ces supraconducteurs opèrent dans un voisinage proche de la source d’énergie de fusion d’une intensité quasi-inimaginable issue de SPARC, ce qui en fait un challenge. CFS s’est tourné vers la simulation pour tester différentes solutions potentielles. “Le refroidissement est d’une importance capitale car il y a de nombreuses sources d’énergies différentes qui peuvent arriver jusqu’au supraconducteur”, a dit Brunner. “Vous avez besoin de faire circuler du cryogène pour le conserver dans la plage de température de fonctionnement”.
 
Figure 2.  Des câbles dans le SPARC permettront au fluide cryogène de circuler de façon à maintenir la température du supraconducteur. Image reproduite avec l’aimable autorisation de CFS.
Brunner et son équipe ont modélisé trois des fluides cryogéniques les plus communs (hydrogène, hélium, néon) dans des plages de températures auxquelles ils pourraient être soumis dans SPARC, et ont ensuite analysé les données de sortie de leurs simulations thermiques. A partir de ces données, Brunner et son équipe ont été capables d’explorer les avantages et les inconvénients des différents types de systèmes de refroidissement qu’ils pouvaient utiliser sans exposer les supraconducteurs ou les autres matériaux à des risques inutiles.
     
  
  
Figure 3. La chaleur liée à la fusion impose un haut niveau d’énergie dans les câbles et peut entraîner le quench du supraconducteur. Cela rend nécessaire l’essai de différents fluides cryogéniques. Image reproduite avec l’aimable autorisation de CFS.
Mesurer la résistance des matériaux dans les conditions adéquates
En dehors du refroidissement, la simulation a joué un rôle important pour fournir des informations sur les forces auxquelles les matériaux sont soumis dans SPARC. De façon générale, les tokamaks à champ intense poussent leurs structures à l’extrême, et c’est tout particulièrement vrai pour les conceptions HTS en raison de leur champ magnétique élevé. Les forces augmentent sur les structures avec le carré du champ magnétique, ce qui sollicite très fortement les matériaux dans l’ensemble du tokamak. Les supraconducteurs et leur limite de déformation naturellement faible rendent la simulation d’autant plus nécessaire pour mesurer les forces attendues.
Le courant combiné au champ magnétique crée une force sur les bobines, que la structure se doit de supporter. CFS a constaté que leurs modèles multiphysiques étaient en mesure de déterminer la résistance et la limite élastique de différents alliages aux températures cryogéniques (environ 20 K) auxquelles elles seraient exposées, permettant ainsi d’orienter les futures conception de SPARC. En simulant les efforts que ces machines devront supporter, CFS peut définir clairement les limites de contrainte et de déformation que leurs conceptions doivent être capables de supporter.
Gérer les efforts sur la chambre à vide
La simulation a également été utilisée par CFS pour optimiser la géométrie de la conception du SPARC pour réduire les pics de contraintes et de température dans la chambre à vide, une imposante structure en acier empêchant l’air de passer et conservant le plasma pur. En général, ce sont des efforts transitoires importants qui pilotent la conception de la chambre à vide, et c’est là que les simulations ont été particulièrement utiles. Le côté de la chambre à vide orienté vers le plasma doit être conçu pour résister à des flux de chaleurs très importants (~10 MW/m2) provenant du plasma de fusion au sein du tokamak.

Figure 6. SPARC, le futur démonstrateur de principe de tokamak en cours de construction par CFS.
Ce plasma est traversé par un courant toroïdal, dont le contrôle peut parfois être perdu, causant des phénomènes de disruption. Ces phénomènes peuvent produire des efforts très importants qui doivent être pris en compte dans la conception globale. Des simulations transitoires électriques et magnétiques ont été mises en oeuvre pour s’assurer que les matériaux utilisés par CFS peuvent supporter ces disruptions.
Durant cette partie de la présentation, Brunner a présenté quelques simulations qui ont été réalisées au MIT lorsqu’ils menaient le Advanced Divertor eXperiment (ADX). Cette expérience utilisait un design de chambre à vide précurseur du design actuel du tokamak de l’entreprise, pour lequel COMSOL Multiphysics® était utilisé pour étudier les champs magnétiques transitoires et les efforts, contraintes et déplacements résultants sur le design de la chambre. (Lisez-en plus à propos de ces travaux ici.)
     
  
  
En haut, la géométrie du modèle structurel de l’ADX sur lequel des frontières violettes sont dessinées là où la structure est fixée. Les résultats des contraintes et des déplacements issus de la simulation indiquent que le design nécessite des renforts. En bas, la géométrie du modèle montre des frontières fixes additionnelles correspondant à un bloc support ajouté au design ADX. Image reproduite avec l’aimable autorisation de CFS.
Vers l’énergie de fusion commerciale grâce à la simulation
Le progrès s’accompagne de nouveaux défis à relever. CFS voit les aimants supraconducteurs comme étant la clé pour le futur de la fusion magnétique, mais a identifié de nombreux domaines de conception nécessitant une optimisation. qu’il ait été possible de modéliser chaque exemple dans le logiciel COMSOL Multiphysics, cela peut être coûteux en termes de ressources de calcul et c’est là que la créativité et le développement logiciel ont joué un rôle important.
L’équipe IT chez CFS a paramétré plusieurs HPC6a d’Amazon Web Services (AWS) pour distribuer les calculs. L’équipe a ainsi pu intensifier ses capacités à la fois verticalement et horizontalement, ce qui a permis d’effectuer plus de jobs en même temps et d’utiliser plus de CPU par job avec plus de 50 000 coeurs. Ceci est possible grâce à la licence réseau (FNL) de COMSOL que CFS détient, et a rendu les simulations de fusion extrêmement complexes beaucoup moins intimidantes. “Cela a réduit nos temps et coûts de simulation d’au moins 50 pourcents, avec une exécution plus rapide. Cela nous a aussi permis de prendre des décisions à des échelles de temps cohérentes au regard du travail que nous menons”, a dit Brunner.
Prochaine étape
Regardez l’enregistrement de la présentation de CFS pour en apprendre davantage sur le processus complexe de la fusion et les progrès qu’ils réalisent dans ce domaine.

                                    
                                
                                
Commentaires (0)