Modélisation CFD des systèmes de réduction de la traînée pour les sports mécaniques

26 novembre 2024

L’industrie automobile innove sans cesse pour produire des voitures plus écologiques, notamment grâce à l’utilisation de technologies telles que les moteurs électriques, les systèmes de conduite autonome et l’aérodynamique active. L’aérodynamique active est un système qui accroît la maniabilité et la stabilité, améliore le rendement énergétique et optimise le refroidissement (références 1–3). Un exemple remarquable d’application de l’aérodynamique active nous vient de la Formule 1®, où le système de réduction de la traînée (DRS, pour Drag Reduction System) a permis de rendre les courses plus passionnantes. Dans cet article de blog, nous allons examiner les effets du DRS sur la traînée et l’appui aérodynamique d’un véhicule à l’aide d’un modèle simple créé avec le logiciel COMSOL Multiphysics®.

L’aérodynamique active des véhicules

Les ingénieurs automobiles travaillent depuis longtemps à l’amélioration de l’efficacité, de la vitesse et de la stabilité des véhicules en affinant l’aérodynamisme. Les deux paramètres aérodynamiques les plus importants d’un véhicule sont les forces de traînée et d’appui. La traînée est une force résistive qui s’oppose à l’avancement de la voiture, réduisant ainsi sa vitesse et augmentant sa consommation de carburant, tandis que l’appui est une force verticale qui augmente la traction en poussant la voiture vers le sol, améliorant ainsi sa stabilité et sa maniabilité. Bien que la force d’appui soit généralement recherchée, elle est souvent associée à une augmentation de la traînée, ce qui oblige les concepteurs à trouver un compromis entre la vitesse et la stabilité pour obtenir une amélioration nette de la vitesse, de la maniabilité et de la consommation de carburant du véhicule.

L’aérodynamique active a transformé la conception automobile en offrant un moyen de positionner dynamiquement des composants pour optimiser la traînée et l’appui en temps réel et offrir une expérience de conduite plus précise et plus réactive. Contrairement aux conceptions aérodynamiques passives traditionnelles qui utilisent des composants fixes, l’aérodynamique active comporte des éléments tels que des ailerons, des volets et des évents qui peuvent changer de position et de forme. Dans les voitures homologuées, les réglages sont contrôlés par l’ordinateur de bord, qui utilise des données recueillies en temps réel pour modifier les éléments en fonction des conditions de conduite.

Aileron arrière d'une voiture de sport.
L’aileron arrière de la Bugatti Veyron® se soulève pour générer plus de force d’appui à haute vitesse. Image dans le domaine public, via Wikimedia Commons.

La première voiture homologuée pour la circulation routière à être équipée d’un système aérodynamique actif a été la Porsche® 959 lors de sa sortie en 1986. Cette technologie a rapidement attiré l’attention et a joué un rôle essentiel dans la conception et les performances de voitures à hautes performances telles que la Bugatti Veyron®, la Mitsubishi® 3000GT, et la Pagani Huayra®. De nos jours, l’aérodynamique active est présente dans de nombreuses voitures homologuées pour la route, en partie pour améliorer le rendement énergétique. Les voitures peuvent être équipées de plusieurs dispositifs aérodynamiques actifs, notamment :

  • Un aileron arrière réglable qui peut s’élever et changer d’angle en fonction de la vitesse et du mode de conduite afin d’équilibrer le rendement énergétique, d’améliorer les performances et de faire office d’aérofrein (réf. 1)
  • Un diffuseur avant réglable pour une meilleure tenue de route (réf. 1)
  • Des volets d’aération actifs dans la calandre qui s’ouvrent ou se ferment en fonction des besoins de refroidissement du moteur, réduisant ainsi la traînée quand le refroidissement n’est pas nécessaire. (réf. 2)

Un autre exemple d’aérodynamique active innovante est le système de réduction de la traînée (DRS) que l’on trouve dans l’un des sports de haute performance les plus passionnants de nos jours — la Formule 1.

Des voitures de F1 pendant le premier tour du Grand Prix de Malaisie 2015.
Le Grand Prix de Malaisie 2015. Image disponible sur Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International.

Les systèmes de réduction de la traînée dans le sport automobile

Le DRS est considéré comme un système aérodynamique actif car il implique des ajustements en temps réel des éléments aérodynamiques d’une voiture de Formule 1. Contrairement aux voitures homologuées pour la route mentionnées précédemment, le DRS des voitures de Formule 1 peut être directement contrôlé par le pilote.

En sport automobile, le DRS est conçu pour réduire la traînée aérodynamique des voitures poursuivantes afin de faciliter les opportunités de dépassement pendant les courses. En réduisant la traînée aérodynamique, le DRS permet aux voitures de bénéficier d’un avantage de vitesse significatif sur les sections droites d’un circuit et ainsi faciliter le dépassement de la voiture qui les précède. Beaucoup estiment que cela contribue à rendre les courses plus palpitantes et plus dynamiques. Par conséquent, le DRS est devenu un élément stratégique et tactique déterminant dans les courses de Grand Prix.

Deux images empilées présentant un aileron arrière réglable sur une voiture de F1.

Aileron arrière réglable d’une voiture de course de Formule 1 de l’écurie Red Bull Racing. Image disponible sur Wikimedia Commons, sous licence Creative Commons Attribution 2.0 Generic.

L’élément central du DRS est l’aileron réglable, que nous appellerons ici « volet DRS ». Ce dernier peut pivoter entre deux positions, l’une pour augmenter l’appui et l’autre pour réduire la traînée. Lorsqu’il est activé, le volet DRS se soulève pour réduire l’angle d’attaque, c’est-à-dire l’angle entre la ligne de corde et le flux d’air incident ou la trajectoire de la voiture. Ce changement diminue la force d’appui générée par l’aileron et réduit la traînée aérodynamique. Avec une traînée réduite, la voiture subit moins de résistance à l’air, ce qui lui permet d’atteindre des vitesses plus élevées en ligne droite. Les ingénieurs en sport automobile estiment que l’augmentation de la vitesse est de l’ordre de 10–12 km/h (6.2–7.5 mph) lorsque le DRS est activé.

Le DRS est conçu pour être utilisé uniquement sur des lignes droites spécifiques où le dépassement est le plus envisageable. En effet, la réduction de la force d’appui se traduit également par une diminution de l’adhérence et donc de la stabilité de la voiture, ce qui rend les virages très risqués. Lorsqu’un pilote sort d’une zone DRS et désactive le système, le volet DRS s’abaisse et les niveaux normaux de traînée et d’appui sont rétablis pour améliorer l’adhérence de la voiture.

Schéma représentant l'angle d'attaque d'un aileron et indiquant la trajectoire de la voiture, l'angle d'attaque, la ligne de corde et l'aileron.
L’angle d’attaque d’un aileron, qui est un facteur déterminant de la traînée qu’il génère.

Modéliser les effets du système de réduction de la traînée

Dans le contexte de la conception automobile, la CFD (computational fluid dynamics) peut être utilisée pour simuler et analyser l’écoulement de l’air autour d’un véhicule et prédire l’impact des modifications apportées à la conception du véhicule sur ses performances aérodynamiques. La modélisation CFD est particulièrement avantageuse car elle permet de visualiser le profil d’écoulement d’air, d’évaluer les forces aérodynamiques sur les différentes parties du véhicule et d’optimiser les paramètres de conception, tout en évitant les coûts et le temps associés aux essais réels. La CFD est devenue un outil essentiel non seulement pour la conception de composants aérodynamiques actifs, mais aussi pour d’autres aspects de la construction automobile.

Passons maintenant à la construction d’un modèle simple de volet DRS dans COMSOL Multiphysics® pour modéliser un aileron arrière réglable similaire à celui dont sont équipées les voitures de course de Formule 1. Notre objectif est de quantifier le changement de la traînée aérodynamique et de la force d’appui sur l’aile arrière pendant le fonctionnement du DRS afin d’avoir une meilleure idée de la physique qui se cache derrière ces dépassements spectaculaires.

Le système d’aileron arrière typique d’une voiture de Formule 1 se compose de deux ailerons qui s’étendent sur toute la largeur de la voiture. Des plaques verticales sont fixées aux extrémités des ailerons pour diriger l’écoulement de l’air et réduire la traînée causée par les tourbillons en bout d’aile. Dans notre modèle et par souci de simplicité, nous considérons une coupe transversale 2D d’un ensemble d’ailerons arrière. Cela nous permet d’ignorer les plaques d’extrémité et de considérer uniquement la géométrie de la section transversale des deux ailerons. Nous appellerons l’aileron supérieur le « volet DRS » et l’aileron inférieure le « volet principal » (seul l’aileron supérieur étant réglable). Un profil NACA 6409 est utilisé pour représenter les deux ailes. Bien que ce dernier ne soit pas vraiment représentatif de l’aileron arrière d’une voiture de Formule 1, ce modèle est destiné à démontrer simplement l’effet d’un volet réglable sur la traînée aérodynamique et la force d’appui. A l’extrémité arrière du volet DRS est fixé un volet de Gurney, qui est généralement utilisé pour augmenter la force d’appui sans accroître significativement la traînée. Les ailerons sont supposés parfaitement rigides.

Modèle simple d'un volet DRS avec la frontière ouverte, l'entrée, la paroi avec glissement, la sortie, ainsi que le volet de Gurney, le volet DRS et le volet principal légendés.
Schéma du modèle numérique composé de deux profils NACA 6409. Une entrée et une sortie sont définies respectivement sur les frontières gauche et droite. Les frontières supérieure et inférieure sont définies en utilisant la condition de frontière ouverte et la condition de paroi avec glissement, respectivement.

L’interface Maillage mobile de COMSOL® est utilisée pour modéliser l’actionnement du volet DRS en considérant qu’il ne se soulève pas de plus de 85 mm par rapport au volet principal. Cela est conforme au règlement de la Formule 1 qui stipule que le volet DRS est autorisé à se soulever d’un maximum de 85 mm par rapport au volet principal. L’interface Ecoulement turbulent, k-ε est utilisée pour calculer l’écoulement d’air dans le domaine. Le référentiel étant attaché à l’aile arrière, une vitesse d’entrée de 90 m/s est définie pour modéliser une voiture de course roulant à 323 km/h (201 mph) sur une piste. Une étude stationnaire est résolue pour obtenir le profil de l’écoulement en régime permanent lorsque le DRS est inactif, c’est-à-dire lorsque le volet DRS est abaissé. Une étude temporelle permet ensuite de simuler les effets transitoires du volet réglable.

Extraire les métriques

Le coefficient de traînée est un nombre adimensionnel qui mesure la traînée ou la résistance qu’un objet subit lorsqu’il se déplace dans un fluide. Il représente la facilité avec laquelle le fluide (l’air, dans notre cas) s’écoule autour de l’objet, un coefficient plus faible indiquant généralement une traînée moindre et une meilleure efficacité aérodynamique. Le coefficient de traînée, C_d, peut s’écrire

C_d = \frac{F_x}{\frac{1}{2}\rho U^2_0 A},

\rho est la densité du fluide, U_0 est l’amplitude de la vitesse, F_x est la composante selon x de la force sur l’aileron et A désigne la surface frontale des ailerons, qui sont par les formules

F_x = \oint \left( p n_x + \tau_w \frac{ \text{u}_{\text{t}_x}}{\mid \bf{u_t} \mid} \right) \,dS

et

A = \oint max (n_x,0) \,dS,

\tau_w = \rho u_\tau^2 est la contrainte de cisaillement à la paroi et \bf{u}_t est la vitesse tangentielle. Les intégrations de surface sont réalisées sur les frontières des ailes.

La force d’appui peut être calculée à partir de la composante verticale de la traction \tau_y via l’expression

F_D = \oint \tau_y \ dS

Résultats de la simulation

Les animations ci-dessous montrent l’évolution de différentes quantités pendant le fonctionnement du DRS. Pour les besoins de ce billet de blog, le DRS est activé deux secondes après le début de l’étude et reste actif pendant environ trois secondes. Le moment de cette activation est quelque peu arbitraire dans notre modèle, mais il ressemble plus ou moins à une véritable manœuvre du DRS lors d’une course.

L’animation A montre comment le maillage se déforme avec le mouvement du volet DRS. Le graphique montre de combien le volet DRS se soulève par rapport au volet principal. Une rotation de 19,5˚ du volet DRS correspond à un soulèvement de 84 mm par rapport au volet principal, ce qui est conforme à la réglementation.

 

Animation A : Résultats de la simulation montrant la déformation des éléments de maillage modélisés à l’aide de l’interface Maillage mobile (à gauche) et la position du volet DRS par rapport au volet principal (à droite).

L’animation B montre la vitesse et les lignes de courants de l’écoulement pendant le fonctionnement du DRS. Le graphique montre que la vitesse maximale de l’air est plus faible lorsque le DRS est actif. Cette valeur ne doit pas être confondue avec la vitesse de la voiture, qui sera plus élevée lorsque la trappe est relevée.

 

Animation B : Résultats de la simulation montrant le profil de vitesse et les lignes de courant (à gauche) et la vitesse maximale dans le domaine (à droite).

L’animation C montre que le coefficient de traînée de l’aile arrière diminue de 27,1 % lorsque le DRS est activé. La force d’appui sur le volet est également représentée, montrant une diminution allant jusqu’à 23,6 % lorsque le DRS est activé.

 

Animation C : Résultats de la simulation montrant le coefficient de traînée et la force d’appui pendant le fonctionnement du DRS.

Bien que ces résultats proviennent d’un modèle construit avec une géométrie arbitraire, l’application du DRS dans la vie réelle peut avoir des effets significatifs sur la traînée. Par exemple, dans les véhicules de compétition de la Formula Student, la réduction de la traînée par le DRS peut atteindre 78 % (réf. 4). Cette réduction peut varier en fonction de la vitesse de la voiture, de la configuration aérodynamique, de la conception spécifique du DRS et du tracé de la piste.

Résumé des apports de la modélisation

L’aérodynamique active offre des avantages significatifs aux voitures de course et a également gagné en popularité dans les véhicules homologués pour la route. Le modèle présenté ici utilise une simple représentation 2D en coupe transversale de l’aileron arrière d’une voiture de course et démontre les effets d’un volet réglable sur la traînée et la force d’appui à l’aide. Des modèles aussi simples peuvent aider à comprendre les principes de la CFD et mettre en évidence les applications passionnantes de l’aérodynamique. La configuration du modèle présentée ici peut également être étendue pour modéliser la déformation structurelle des volets soumis aux contraintes de pression en utilisant le couplage multiphysique Interaction fluide-structure de COMSOL®.

Un modèle de l'aérodynamique d'une voiture.
Étude de l’aérodynamique d’une voiture à l’aide d’un modèle COMSOL.

A votre tour !

Pour étudier les effets d’un volet réglable sur la traînée et la force d’appui, cliquez sur le bouton ci-dessous ! Le bouton vous conduira au modèle correspondant à cet article de blog.

Références

  1. J. Piechna, “A Review of Active Aerodynamic Systems for Road Vehicles,” Energies, 2021.
  2. C. Pfeifer, “Evolution of active grille shutters,” SAE Technical Paper, 2014.
  3. W. Yu and G. Wei, “A Review of the influence of active aerodynamic tail on vehicle handling stability,” Journal of Physics: Conference Series, 2021.
  4. R. Loução, D. Gonçalo, and M. Mendes, “Aerodynamic study of a drag reduction system and its actuation system for a formula student competition car,” Fluids, 2022.
  5. J. Noble, “How F1’s new active aero will work in 2026,” Autosport, 2024.

Pour en apprendre plus

Pour en savoir plus sur certains des sujets abordés ici, consultez ces articles sur le blog COMSOL:

 

Les informations présentées dans cet article sont pertinentes pour la saison 2024 du sport automobile. Le DRS en Formule 1 devrait être remplacé en 2026 par un système d’aérodynamique active plus complexe qui permet des ajustements plus dynamiques (Réf. 5). La Formule 1 est un sport en constante évolution et innovation, et les technologies évoquées ici pourraient être obsolètes à l’avenir. Cet article se veut une démonstration de la puissance de la simulation dans la compréhension des principes de l’aérodynamique plutôt qu’un guide des règles du sport automobile. Formula 1 est une marque déposée et Grand Prix est une marque non déposée de Formula One Licensing B.V. Bugatti et Veyron sont des marques déposées de Bugatti International S.A. Huayra est une marque déposée de PAGANI S.p.A. Mitsubishi est une marque déposée de MITSUBISHI JUKOGYO KABUSHIKI KAISHA. Porsche est une marque déposée de Dr. Ing. h.c. F. Porsche Aktiengesellschaft.


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