
Lorsque j’étais lycéen, je passais de nombreuses heures à jouer de la trompette. Lorsque le soir approchait et que le soleil se couchait, je pouvais entendre mes notes se répercuter sur un bâtiment scolaire situé à quelque 500 mètres de là. À l’époque, je me demandais souvent pourquoi je n’entendais ces échos lointains qu’après le coucher du soleil. Cet article de blog décrit ce curieux phénomène et le simule à l’aide du logiciel COMSOL Multiphysics® et de sa méthode unique de lancer de rayons.
La réfraction du bruit due à un gradient de température
J’ai appris depuis que ce phénomène sonore est causé par la modification de la répartition de la température dans l’atmosphère. La température diminue généralement avec l’augmentation de l’altitude. Ainsi, la vitesse du son dans l’air devient plus faible avec l’augmentation de l’altitude en raison de la dépendance de la vitesse du son à la température. La vitesse du son dans l’air c_0 est par exemple bien décrite par le modèle de gaz parfait suivant.
Ici, \gamma, R_{\rm{const}}, T et M_{\rm{n}} représentent respectivement le rapport des chaleurs spécifiques, la constante universelle des gaz parfaits, la température et la masse molaire. L’hypothèse du modèle de gaz parfait est celle d’un air sec, mais, d’une manière générale, la vitesse du son dans l’air dépend également de l’humidité relative de l’air. Par exemple, ce modèle de coupleur de calibration est un exemple illustrant la célérité du son dans l’air humide. Selon la loi de Snell, lorsqu’une onde acoustique se propage au sein d’une région et atteint une interface la séparant d’une région où le son est plus rapide, une onde est réfractée avec un angle de réfraction plus petit que l’angle d’incidence, comme le montre le schéma ci-dessous.
Réfraction du son à l’interface entre la région où le son est plus lent et celle où il est plus rapide.
Ainsi, dans un champ de température continu dans des conditions atmosphériques standard, les sons sont réfractés vers le haut, comme le montre la figure suivante.
Exemple de propagation des rayons acoustiques pendant la journée. Les lignes représentent les rayons acoustiques et la couleur de l’arrière-plan représente le champ de température, illustrant le réchauffement de la température en s’approchant du sol.
Les sons qui se propagent dans l’atmosphère disparaissent généralement dans le ciel. Cependant, une inversion de température — lorsque le rayonnement thermique de la surface dépasse la chaleur reçue du soleil, comme la nuit — se produit parfois. Cette inversion réfracte les sons vers le bas, comme indiqué ci-dessous.
Exemple de propagation des rayons acoustiques pendant la nuit.
En raison de l’inversion du sens de propagation du son, vous pouvez entendre des sons plus éloignés la nuit. La modélisation précise de ce phénomène est cruciale pour l’analyse du bruit extérieur car la différence dans les caractéristiques de transfert du son affecte grandement les résultats du calcul de données telles que le niveau de bruit extérieur et l’intelligibilité de la parole.
Les méthodes de lancer de rayons sont appropriées pour simuler la propagation du son sur de grandes distances car elles ne nécessitent pas un maillage spatial fin tenant compte de la longueur d’onde, comme les méthodes basées sur la pression ou ondulatoires. Cependant, la méthode standard de lancer de rayons est basée sur l’hypothèse que la direction des rayons ne change que lorsque les rayons atteignent une frontière avec une condition de réflexion ou de réfraction. Ainsi, pour calculer des trajectoires lisses et réfractées des rayons sonores dans l’atmosphère, de multiples frontières, dont chacune décrit une condition de réfraction, doivent être configurées manuellement. Ce processus peut être chronophage et, souvent, certains réglages ne sont pas connus a priori. La méthode de lancer de rayons basée sur un hamiltonien, qui est implémentée dans COMSOL Multiphysics®, est idéale pour l’analyse du son en extérieur car elle a la capacité de modéliser les trajectoires des rayons dans des milieux à gradient de manière précise et inhérente.
Pour en savoir plus sur les capacités de l’algorithme de lancer de rayons intégré à COMSOL Multiphysics®, consultez notre article de blog “How Does the Choice of Ray-Tracing Algorithm Affect the Solution?“. Cette méthode est également pertinente pour la modélisation de problèmes acoustiques océaniques tels que ceux présentés dans le tutoriel Underwater Ray Tracing in a 2D Axisymmetric Geometry, où la vitesse du son dépend de la profondeur.
Ci-dessous, nous allons recourir à l’interface Lancer de rayons acoustique pour calculer les différentes trajectoires des rayons acoustiques se propageant à l’extérieur pendant le jour et la nuit.
Modélisation des échos à longue distance
Utilisons COMSOL Multiphysics® pour simuler l’écho à longue distance de ma trompette depuis le bâtiment situé à 500 m de là. Pour confirmer que l’écho n’est détectable que la nuit, une simulation a été réalisée avec deux conditions de température.
Une trompette, comme celle avec laquelle l’auteur de l’article de blog s’entraînait au lycée. Image par Yamaha Corporation et sous licence CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.
La simulation est constituée des étapes suivantes:
- Calcul d’un champ de température grâce à l’interface Transfert de chaleur en milieu fluide
- Calcul de la directivité du rayonnement du pavillon de la trompette grâce à l’interface Pression acoustique, domaine fréquentiel
- Calcul de la propagation du son à l’extérieur grâce à l’interface Lancer de rayons acoustique
Géométrie du modèle et vue rapprochée de la région de la source acoustique
La figure ci-dessus représente la géométrie du modèle. Le bâtiment scolaire est représenté par la zone rectangulaire blanche et ouverte. La forme du sol a été créée à l’aide de données d’élévation.
Cette simulation suppose que le son est émis par le pavillon de la trompette et que le musicien est situé près du pavillon (l’emplacement du musicien est utilisé pour calculer les réponses impulsionnelles). La figure illustre également la région source en vue rapprochée, décrite plus bas à l’étape 2.
Étape 1: étude du transfert de chaleur
Au cours de la première étape, deux conditions de températures ont été appliquées au sol: 25°C au cours de la journée et 9°C la nuit, tandis que la température du ciel était constante à 19°C. Une condition Isolation thermique a été appliquée sur les autres frontières, y compris les surfaces du bâtiment scolaire. La figure ci-dessous illustre les champs de température le jour et la nuit.
Champs de température pendant la journée et la nuit.
Pendant la journée, vous pouvez observer la distribution usuelle de la température selon la direction verticale — la partie supérieure est plus froide. La nuit, il est possible d’observer une inversion — la partie supérieure est plus chaude.
Étape 2: étude de la pression acoustique
La deuxième étape consiste à modéliser la directivité du rayonnement acoustique du pavillon de la trompette. Dans l’exemple, seule la directivité découlant de la forme du pavillon a été prise en compte; les pertes éventuelles n’ont pas été modélisées. La forme du pavillon a été modélisée comme étant un cornet exponentiel avec une fréquence de coupure de 1200 Hz à l’aide de la condition Paroi acoustique rigide interne (paroi). Le rayon de la section transversale du cornet exponentiel, r, croît selon l’équation suivante:
où
f_{\rm{c}} est la fréquence de coupure et c est la vitesse du son. x est la variable d’espace. Notez que l’équation ci-dessus est une représentation bidimensionnelle (en supposant une épaisseur uniforme dans la direction hors plan). Pour le cornet exponentiel tridimensionnel réel, la surface de la section croît selon e^{mx}.
Au cours de cette étape, seule la surface interne du cercle (voir géométrie plus haut) a été modélisée à l’aide de la méthode des éléments finis (FEM), cette surface étant réduite grâce à l’utilisation de couches parfaitement adaptées (PML). Une Accélération normale de 1 m/s2 est définie en tant qu’excitation à l’entrée du pavillon. Pour faire varier les champs de température obtenus à l’étape 1, une étape de calcul Analyse paramétrique avec le paramètre de commutation “Ns” a été utilisée. Les captures d’écran suivantes montrent les réglages de l’étape de calcul Domaine fréquentiel et de l’étape de calcul Analyse paramétrique.
Réglages de l’étape de calcul Domaine fréquentiel (gauche) et de l’étape de calcul Analyse paramétrique (droite).
Diagramme de rayonnement du pavillon exponentiel calculé dans des conditions diurnes (gauche) and nocturnes (droite).
La figure ci-dessus illustre le diagramme de rayonnement du cornet à 125 Hz, 1000 Hz et 4000 Hz, pour les deux champs de température. La directivité devient plus prononcée avec l’augmentation de la fréquence. L’intensité du rayonnement à haute fréquence est plus faible au-dessus de la fréquence de coupure. On peut également constater que les champs de température ont peu d’influence sur les directivités.
Étape 3: étude de lancer de rayons acoustique
La troisième étape met en œuvre le lancer de rayons acoustique en fonction du champ de température et de la directivité du rayonnement du cornet obtenus respectivement aux étapes 1 et 2. La méthode de lancer de rayons de COMSOL Multiphysics® permet de calculer facilement une réponse impulsionnelle dans les milieux à gradient. Sélectionnez Calculer l’intensité et la puissance dans les milieux à propriétés variables parmi la liste du réglage de Calcul de l’intensité de l’interface Lancer de rayons acoustique, comme illustré ci-dessous.
Réglages du Calcul de l’intensité dans l’interface Lancer de rayons acoustique.
Une condition de Paroi de type Réflexion mixte diffuse et spéculaire a été appliquée sur les frontières du sol et du bâtiment, tandis qu’une condition de Paroi de type Disparition a été appliquée aux autres frontières afin de modéliser une condition de non-réflexion. Une probabilité de réflexion spéculaire de 0.95 a été fixée à toutes les frontières réfléchissantes. Quant à la modélisation de l’absorption acoustique du sol, le modèle approché d’impédance de Wilson suivant a été mis en oeuvre en supposant que le sous-sol était profond.
Ici, z_{\rm{n}} est l’impédance de surface normalisée du sol. La densité de l’air et la résistivité de l’écoulement sont représentées respectivement par \rho et \sigma. L’unité imaginaire et la fréquence angulaire sont représentées respectivement par j et \omega. Pour cette simulation, la résistivité de l’écoulement a été fixée à 440 kPa s/m2. Le coefficient d’absorption du sol en incidence normale est représenté ci-dessous.
Coefficient d’absorption du sol en incidence normale.
Un coefficient d’absorption de 0.05 a été appliqué aux surfaces du bâtiment de l’école. Pour prendre en compte les directivités de rayonnement du cornet, la fonctionnalité Emission à partir de la frontière a été utilisée.
Réglages de la fonctionnalité Emission à partir de la frontière.
L’article du Blog COMSOL “Réponse impulsionnelle acoustique d’une enceinte intelligente à l’intérieur d’une pièce” peut servir de référence pour en apprendre davantage au sujet de la fonctionnalité Emission à partir de la frontière. Il est important de souligner que cet article de blog discute aussi de la fonctionnalité Emission à partir d’un champ de pression, qui est une façon plus automatisée de mettre en place des sources dans des modèles 3D, tandis qu’une implémentation manuelle est réalisée ici à l’aide de la fonctionnalité Emission à partir de la frontière. Pour faire appel aux résultats de l’étude de calcul de la source, les étapes de calcul Lancer de rayons et Analyse paramétrique ont été paramétrées comme suit.
Réglages de l’étape de calcul Lancer de rayons (gauche) et de l’étape de calcul Analyse paramétrique (droite).
Résultats du lancer de rayons
Les images suivantes présentent les trajectoires des rayons acoustiques et la réponse impulsionnelle en condition diurne. La réponse impulsionnelle est mesurée par un récepteur placé à la position du musicien (près du cornet).
Trajectoires des rayons à 500 Hz en condition diurne; la couleur des rayons représente leur temps de propagation.
Réponse impulsionnelle à la position du joueur en condition diurne.
Pour des raisons de visibilité, les rayons dont le nombre de réflexions est égal à 0 ont été exclus du graphique des trajectoires des rayons. Il est possible d’observer que certains rayons atteignent la surface du bâtiment mais disparaissent dans le ciel et ne reviennent pas à la position du musicien. La même tendance a été confirmée à d’autres fréquences. La réponse impulsionnelle à la position du musicien n’a pas perçu l’écho du bâtiment. En conséquence, les trajectoires des rayons acoustiques et la réponse impulsionnelle à la position du musicien pour les conditions nocturnes sont présentées ci-dessous.
Trajectoires des rayons à 500 Hz en condition nocturne.
Réponse impulsionnelle à la position du musicien en condition nocturne.
Contrairement à ce qui se passe le jour, de nombreux rayons atteignent le bâtiment et reviennent ensuite vers la position du musicien pendant la nuit. La réponse impulsionnelle à la position du musicien comprend également l’écho du bâtiment scolaire. Ces résultats impliquent que le bâtiment scolaire reçoit des sons plus forts la nuit. Pour confirmer à quel point le son est plus fort, le niveau de pression acoustique (SPL) moyen sur la surface du bâtiment de l’école du côté du joueur est illustré ci-dessous.
SPL moyenné sur la surface du bâtiment scolaire du côté du musicien.
Ici, la caractéristique de rayonnement du cornet (fréquence de coupure à 1200 Hz), modélisée par couplage avec la FEM (méthode ondulatoire) a largement contribué aux caractéristiques fréquentielles du graphique du SPL ci-dessus. La modélisation précise du parcours du son dans le gradient de température montre clairement que les sons se propagent mieux vers le bâtiment lointain la nuit que le jour. La surface du bâtiment a perçu un son qui était plus de 5.5 dB plus fort à 125 Hz–2000 Hz en conditions nocturnes. Cette différence peut être significative si la source n’est pas la trompette, mais plutôt, par exemple, les climatiseurs d’une usine située en bordure d’un territoire soumis à une réglementation sur le bruit.
Enfin, j’aimerais utiliser l’auralisation pour partager mon expérience. Dans les exemples suivants, vous pouvez entendre les différences de son à l’endroit du musicien entre les conditions diurnes et nocturnes. Dans le deuxième exemple, vous entendrez l’écho du bâtiment scolaire la nuit. Pour en savoir plus sur l’auralisation, consultez l’article “Convolution and Auralization for Room Acoustics Analysis” du Blog COMSOL.
Bruit de trompette auralisé, le jour.
Bruit de trompette auralisé, la nuit.
L’importance de la régulation et du contrôle des bruits
Cet article de blog a exposé et modélisé le phénomène acoustique réputé selon lequel les sons voyagent plus loin la nuit. Il a également démontré comment l’algorithme de lancer de rayons disponible dans COMSOL Multiphysics® est particulièrement adapté à la modélisation acoustique sur de grandes distances et approprié pour simuler la réfraction du son due à un gradient. La réglementation sur le bruit exige généralement des niveaux sonores plus faibles la nuit que le jour, il est donc important de prendre en compte les caractéristiques de réfraction du bruit dans l’atmosphère la nuit. L’interface Lancer de rayons acoustique de COMSOL Multiphysics® peut être utilisée pour prédire et contrôler avec fiabilité les bruits extérieurs mais aussi évaluer l’intelligibilité des discours émis par des systèmes de sonorisation extérieurs qui nécessitent souvent une qualité élevée, par exemple lorsqu’ils s’adressent à de grandes foules.
Lancez-vous!
Pour concevoir l’exemple présenté ci-dessus, consultez l’entrée suivante de la Bibliothèque d’applications, qui comprend une présentation du modèle et de son fichier MPH:
Note de l’éditeur: cet article de Blog a été mis à jour le 25 Avril 2025 afin d’inclure le lien vers l’entrée du modèle dans la Bibliothèque d’applications.
Les données d’élévation du sol ont été créées à partir de la carte d’élévation en couleur fournie par Geospatial Information Authority of Japan.
Le son anéchoïque est fourni par The Open AIR Library sous licence CC BY 4.0.
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