
Durant la conception d’un échangeur de chaleur, il est essentiel de prendre en compte le taux de transfert de chaleur, la résistance hydraulique et l’efficacité. Pour certaines applications, il est également important de prendre en compte l’intégrité structurelle. Cependant, le temps et les ressources consacrés à l’étude de ces composants sont vains s’il n’existe pas de moyen abordable de fabriquer le produit fini. La prise en compte des coûts de conception et de fabrication tout au long du processus de conception fait du développement des échangeurs de chaleur une tâche difficile. Nous explorerons ici la possibilité d’utiliser l’optimisation de forme et l’optimisation topologique pour relever ces défis de conception.
Optimisation de forme
L’optimisation de forme fonctionne de la même manière quelle que soit la physique, ce qui la rend plus simple à utiliser que l’optimisation topologique. Toutefois, il convient de noter que ces deux types d’optimisation impliquent de nombreuses variables de conception, et nécessitent donc d’utiliser l’optimisation basée sur le gradient. Cette dernière est nettement plus rapide que les méthodes sans gradient, lorsqu’un grand nombre de variables de conception sont en jeu, car elle utilise efficacement les informations de sensibilité pour guider chaque itération, au lieu de s’appuyer sur un échantillonnage coûteux ou des recherches par force brute. Les exemples présentés dans cet article reposent sur le solveur d’optimisation MMA (méthode des asymptotes mobiles) et sur le calcul automatique du gradient.
Nous nous concentrerons d’abord sur l’optimisation de forme d’un échangeur de chaleur à plaques, puis sur le dimensionnement des tuyaux dans un échangeur de chaleur à tubes et à calandre.
Les lecteurs intéressés par une introduction plus générale à l’optimisation de forme peuvent consulter l’article de blog intitulé “Shape Optimization in Electromagnetics: Part 1”.
La résistance hydraulique d’un échangeur de chaleur peut être limitée en imposant une contrainte sur la perte de charge pour un débit imposé donné, mais l’optimisation aura tendance à produire un design correspondant à la valeur maximale autorisée pour la perte de charge, de sorte qu’en pratique la puissance de pompage appliquée et la résistance hydraulique seront fixes. On peut aussi imposer un écoulement contrôlé par la pression et laisser l’optimisation choisir la puissance de pompage et la résistance hydraulique. Cette approche est moins coûteuse en ressources de calculs et c’est donc sur celle-ci que nous nous concentrerons.
Nous commencerons par examiner un échangeur de chaleur à plaques en régime d’écoulement laminaire, où le taux de transfert de chaleur est maximisé en permettant à la forme de la plaque de changer, comme l’illustre l’animation ci-dessous. L’optimisation améliore l’échange de chaleur de 30 % par rapport au design initial avec une plaque plane.
L’échangeur de chaleur à plaques optimisé force le flux à contourner les coins du volume, comme l’illustrent les lignes de courant colorées selon la température. Notez que la déformation est exagérée par un facteur 2 dans la représentation en surface grise du design.
Examinons maintenant le deuxième exemple, un échangeur de chaleur à tubes et à calandre en régime d’écoulement turbulent. Une fois encore, nous maximisons le taux de transfert de chaleur, mais cette fois-ci, nous permettons à la taille et à la position des tubes de changer. Dans ce cas, l’optimisation ne permet d’améliorer le taux d’échange thermique que de 5 %, ce qui peut être dû à une liberté de conception moindre par rapport à l’exemple précédent.
Illustration de l’échangeur à tubes et à calandre montrant les tubes colorés en fonction de leur diamètre. Les tubes plus petits près du centre réduisent la variation du débit d’un tube à l’autre.
Optimisation topologique
L’optimisation topologique par la méthode de la densité consiste à attribuer une variable de conception à chaque élément de calcul. Dans le cas de la mécanique des structures, 0 correspond au vide, tandis que 1 correspond à une région solide.
Les lecteurs intéressés par une introduction plus détaillée à l’optimisation topologique peuvent consulter l’article de blog intitulé “Performing Topology Optimization with the Density Method”.
Pour l’optimisation topologique des échangeurs de chaleur, la tâche consiste à identifier quelle région doit appartenir à quel fluide, de sorte qu’une variable de conception égale à 0 correspond généralement à un fluide, tandis qu’une valeur de 1 correspond à l’autre fluide (réf. 1). Cette stratégie permet d’éviter le mélange des deux fluides tant qu’il n’y a pas de zones grises dans la conception finale, c’est-à-dire que les variables de conception sont égales à 0 ou à 1, mais ne prennent pas de valeurs intermédiaires. La stratégie peut être étendue pour tenir compte du domaine solide entre les fluides, mais nous laisserons cela de côté ici. La condition aux limites de non-glissement est appliquée avec un terme de pénalisation de Darcy, une stratégie similaire à d’autres applications fluidiques d’optimisation topologique:
\mathbf{F}_\mathrm{hot} &=&-\alpha(1-\theta) \mathbf{u}_\mathrm{hot}, \quad \mathrm{avec} \quad \alpha(\theta)=\alpha_\mathrm{max}\frac{q(1-\theta)}{1+\theta},
où \mathbf{u}_\mathrm{cold} et \mathbf{u}_\mathrm{hot} sont les vitesses d’écoulement dans les domaines chauds et froids, qui sont résolues à l’aide d’EDP distinctes. \alpha_\mathrm{max} est l’amortissement maximal, qui amortit l’écoulement de manière à ce que les deux vitesses d’écoulement ne puissent pas être élevées en même temps. q détermine l’amortissement pour des valeurs intermédiaires du champ de la variable de conception \theta. Les valeurs faibles sont généralement représentatives de designs en niveaux de gris optimaux, tandis que les valeurs élevées génèrent des régions plus discrètes et clairement séparées, ce qui conduit à des designs physiquement réalisables.
La conservation de l’énergie est assurée par une équation de convection-diffusion pour la température, dans laquelle le terme de convection dépend du champ de vitesse total, donné par la somme \mathbf{u}_\text{hot} + \mathbf{u}_\text{cold}. Bien que cette somme ne dépende pas explicitement des variables de conception, dans la pratique, chaque champ de vitesse domine dans sa région de fluide respective, de sorte que les vitesses d’écoulement ne sont comparables que dans la zone de transition entre les fluides.
Les échangeurs de chaleur fonctionnent généralement en régime turbulent, mais les résultats de l’optimisation topologique présentés ici sont limités au régime d’écoulement laminaire. Les modèles de turbulence nécessitent en effet la résolution des couches limites, ce qui serait extrêmement coûteux pour les maillages uniformes utilisés dans le cadre de l’optimisation topologique.
Les grands canaux offrent une faible résistance hydraulique, tandis que les petits canaux assurent un bon échange thermique. La topologie optimale d’un échangeur de chaleur devrait donc consister en des conduites entremêlées qui se ramifient en conduites fines dans une petite zone où se produit l’échange de chaleur à proprement parler, mais cela n’est pas possible en deux dimensions puisque la contrainte de mélange fixe de fait la topologie.
Deux tubes parallèles enroulés sont obtenus en maximisant l’échange de chaleur entre deux fluides par optimisation topologique en 2D.
L’optimisation topologique 3D est coûteuse en ressources de calcul, c’est pourquoi dans ce dernier exemple de modèle, la symétrie miroir est imposée pour réduire le domaine de conception d’un facteur 2. En outre, la symétrie de rotation est imposée à l’écoulement, de sorte que seul l’écoulement d’un des fluides doit être calculé. Enfin, l’objectif prend en compte à la fois le taux de transfert de chaleur et la dissipation hydraulique. Les deux doivent être maximisés, car la maximisation de la dissipation hydraulique pour un écoulement sous pression minimisera la résistance hydraulique. Les objectifs peuvent être combinés à l’aide d’une formulation maximin, mais cette méthode étant coûteuse en ressources de calcul, une norme p est utilisée à la place:
&\approx& \left[(\kappa\phi_\mathrm{heat})^{-P}+\psi_\mathrm{cold}^{-P}+\psi_\mathrm{hot}^{-P})\right]^{-1/P},
où \kappa est un poids qui contrôle l’importance relative des objectifs, et P contrôle la précision de l’approximation. Les résultats présentés ici ne tiennent pas compte de l’efficacité dans l’objectif car elle empêche les conceptions discrètes, mais vous pouvez l’utiliser initialement afin d’orienter la conception vers des minima avec une meilleure efficacité.
Le champ de la variable de conception brute est animé sur cinq coupes pour illustrer comment la conception optimale devient plus discrète à mesure que q est augmentée.
Le résultat optimisé est lissé afin que la conception puisse être vérifiée à l’aide d’une représentation géométrique explicite. C’est ce que montre l’animation ci-dessous. La caméra est fixe, mais la conception est quelque peu transparente, de sorte qu’il est possible de voir ce qui se passe à l’intérieur de la structure. Il est également possible d’explorer le fichier modèle interactif ci-dessous, lequel présente une conception fixe et permet de manipuler la caméra. Seule la moitié du modèle est représentée, pour faciliter l’observation des subtilités internes du modèle.
L’échangeur de chaleur optimisé se compose de deux domaines qui se ramifient l’un dans l’autre pour permettre un couplage thermique fort dans de petits canaux sans introduire de résistance hydraulique excessive.
Aperçu des fonctionnalités d’optimisation
Cet article de blog s’est concentré sur les échangeurs de chaleur à écoulement stationnaire, mais la fonctionnalité sous-jacente est flexible dans la mesure où les problèmes impliquant d’autres physiques peuvent également être résolus avec l’optimisation basée sur le gradient. Il est même possible de combiner différentes physiques et de faire en sorte que le gradient soit calculé automatiquement pour des objectifs et des contraintes personnalisés. Les interfaces d’optimisation de forme et d’optimisation topologique peuvent être utilisées pour définir les variables de conception, et les sondes facilitent la définition des contraintes et des objectifs. Cependant, les contraintes et les objectifs différent d’une application à l’autre, de sorte que cette partie du processus de modélisation peut nécessiter une certaine dose d’expérimentation. Enfin, il est possible d’effectuer une optimisation basée sur le gradient dans le cas de problèmes de fréquences propres ou transitoires.
Les lecteurs intéressés par des exemples impliquant l’optimisation des fréquences propres peuvent consulter l’article de blog intitulé “Maximiser les fréquences propres grâce à l’optimisation de forme et l’optimisation topologique”.
Webinaire sur l’optimisation des systèmes de gestion thermique
Pour en savoir plus sur la façon dont l’optimisation peut être utilisée pour générer automatiquement des designs performants d’échangeurs de chaleur et de systèmes de circulation des fluides, participez à notre prochain webinaire sur l’optimisation des systèmes de gestion thermique. Le webinaire aura lieu le mercredi 3 septembre de 15:00 à 15:45 CEST.
Référence
- P. Papazoglou, Topology Optimization of Heat Exchangers, master’s thesis, Delft University of Technology, 2015.
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